Pourquoi un étang au milieu de la garrigue ?
Qui ne s’est étonné en arrivant à La Capelle de trouver, selon les saisons, une étendue d’eau ou de roseaux de 60 hectares ? Cette présence est le fruit d’un concours de circonstances et d’un enchaînement d’événements ayant permis que l’eau puisse aujourd’hui se retrouver en quantité en surface. Les principaux facteurs sont les suivants : des mouvements géologiques ont permis la formation d’une cuvette entre du calcaire dur (Urgonien) et des marnes plus friables (Aptien et Cénomanien). Puis le comblement de cette cuvette par des argiles a imperméabilisé la cuvette alors que partout ailleurs dans la garrigue, elle disparaît dans le sous-sol (karst)..
Comment fonctionne-t-il ?
L’eau qui tombe dans le bassin versant de l’étang (environ 13 km²) a vocation à venir l’alimenter par les principaux fossés le bordant (la Riasse notamment). Une fois arrivée dans la cuvette, l’eau ne peut plus disparaître que par évaporation ou fuite dans le sous-sol, les couches d’argiles n’étant jamais complètement imperméables. Les importantes variations du niveau de l’étang sont liées à son fonctionnement qui fait que des précipitations importantes peuvent le remplir en une nuit et des années très sèches le faire disparaître complètement. Ne subsistent alors que les roseaux. Sous l’étang, des nappes phréatiques existent dans le fameux réseau karstique souterrain à plusieurs centaines de mètres de profondeur, dont il est quasiment certain maintenant que des résurgences existent à quelques kilomètres (Bord-Nègre, Valliguières…)
Que peut-on y voir ?
Sa position géographique et son caractère original permettent à des végétations et des animaux que l’on ne voit qu’en Camargue d’être observés ici. La végétation est dominée par des roseaux de trois sortes : des phragmites présentant un plumet caractéristique, le scirpe, avec son inflorescence plus discrète et la massette qui ressemble à un cigare. Les « roseaux » sont entourés de ceintures d’arbres qui peuvent pousser les pieds dans l’eau comme le saule blanc ou le peuplier. Pour les plus curieux, vous pourrez observer dans les prairies restantes autour de l’étang des espèces végétales extrêmement rares comme le salicaire faux-thésion (station unique en France) ou l’étoile d’eau (station unique dans la région). Côté animaux, ce sont tout d’abord les oiseaux qui attirent les yeux et les oreilles (des sons surprenants) : avec 155 espèces présentes, l’étang offre un spectacle tout au long de l’année. A noter la présence de la plupart des hérons (cendré, pourpré, crabier, bihoreau, garde-boeufs), de busards (cendré et des roseaux) mais aussi des limicoles comme le râle des genêts, ou encore des chevaliers. Comme pour la végétation, les plus curieux pourront observer de rares libellules (Sympetrum), coléoptères (lucane cerf-volant) ou amphibiens (8 espèces) dont le fameux triton crêté qui occupe à La Capelle sa limite méridionale de répartition en France. Mais rassurez-vous, nul besoin d’être un spécialiste pour attendre la Bouscarle de Cetti, regarder le vol gracieux du Circaète ou toucher le plumet d’un roseau !
Pourquoi est-il l’objet de tant de convoitises ?
Depuis toujours et comme dans beaucoup d’étangs en France, de nombreux projets ont vu le jour pour valoriser cet espace. C’est certainement son assèchement qui a fait l’objet de plus de réflexion au cours du siècle dernier. Pour récupérer une terre fertile (bien plus que la garrigue) il eût fallu, en raison de la configuration du site, creuser un déversoir de 2,5 km de long et un dénivelé de 25 m. Ce projet ne verra donc jamais le jour. Mais l’étang a néanmoins servi à l’agriculture à l’époque où l’élevage était présent au village, les agriculteurs récoltant régulièrement les roseaux pour en faire de la litière. La pratique de la chasse est aussi l’une des activités qui ont marqué la vie de l’étang. Elle rime évidemment avec oiseaux d’eau. Beaucoup de souvenirs dans le village ont trouvé leurs sources dans des parties de chasse, à l’époque où les roseaux n’avaient pas envahi l’étang et où les canards pouvaient trouver dans cette grande étendue d’eau une halte dans leurs migrations. Les pratiques agricoles ayant disparu et les chasseurs ne trouvant plus le site suffisamment intéressant, d’autres acteurs y ont pris place : des éleveurs de toros, de chevaux pour les brouteurs et des chasseurs d’images à la recherche notamment des oiseaux. Une nouvelle époque où il s’agit de concilier les activités plus que de les opposer.
Et demain ?
Et demain ? Depuis le milieu des années 2000, la valeur de l’étang de La Capelle et Masmolène a été reconnue à l’échelle européenne par son inscription au réseau Natura 2000. La vocation de cet espace est donc maintenant de préserver les espèces considérées comme rares en Europe. Un rapport (dit Document d’Objectifs) définit les actions à mettre en œuvre pour maintenir la valeur de ce petit bijou de nature. Il ne s’agit pas de mettre sous cloche l’étang et d’interdire toutes les activités, il faut au contraire en encourager certaines : le maintien des espèces rares ou menacées demandera la reprise de pratiques agricoles afin de limiter l’envahissement par les roseaux. Préalablement, des travaux de curage seront nécessaires de manière à enlever l’accumulation de matière végétale. Une attention particulière devra être apportée aux bords de l’étang ayant des caractéristiques de mares temporaires, c’est-à-dire des espaces où l’eau apparaît et disparaît rapidement. Au-delà de ces actions, la réappropriation de cet espace par les habitants et les visiteurs est un enjeu majeur : décrire le fonctionnement de l’étang, montrer les espèces présentes, expliquer les actions mises en œuvre doivent être au cœur de nos préoccupations.
A l’initiative de la commune de La Capelle et Masmolène, l’aménagement d’un parcours d’interprétation autour de l’étang a été réalisé, sous la maîtrise d’ouvrage et financé par la Communauté de Communes du Pays d’Uzès, avec l’appui du programme européen LEADER. L’étude a commencé en début 2016, et les travaux achevés au printemps 2020.